Une 4e place finale au Championnat d’Europe d’endurance, une 9e au championnat du
monde: Grégoire Saucy tire le bilan d’une saison «satisfaisante» mais qui aurait pu être
meilleure encore. Interview.
Grégoire Saucy, la saison 2024 vient de s’achever au terme des 8 Heures de Bahreïn. Votre
sentiment?
C’était ma première saison en endurance, j’en tire un bilan positif, même si on peut toujours faire
mieux, c’est évident. Aussi bien en championnat du monde, avec le team britannique United
Autosports et la McLaren, qu’en championnat d’Europe, avec l’écurie française TDS Racing, j’ai
beaucoup appris ces dix derniers mois; les façons de travailler ont été très différentes au sein des
deux cellules; cela aussi a été enrichissant.
Trois 4es places mais aucun podium en championnat du monde, une 4e place finale à 4 petits
points seulement du titre en championnat d’Europe: cette première saison en endurance ne vous
laisse-t-elle pas un petit goût amer?
Encore une fois, on peut toujours faire mieux. Mais bon. Avec mes coéquipiers Mathias Beche et
Rodrigo Sales, on gagne en ELMS (n.d.l.r.: championnat d’Europe) au Castellet puis au Mugello; ce
sont deux belles victoires, qu’il s’agit d’apprécier à leur juste valeur. Ceci dit, c’est vrai, je nourris un
gros regret. Le 11 mai, avec James Cottingham et Nicolas Costa, on aurait dû gagner les 6 Heures de
Spa-Francorchamps, la troisième manche du WEC (n.d.l.r.: championnat du monde). Ce jour-là, on
avait fait tout juste, mais nous avons été victimes d’un drapeau rouge en fin de course qui a bousillé
toute notre stratégie. Plutôt que de finir premiers on a fini 4es. Ça, oui, ça a été rageant.
Le grand moment de la saison pour vous?
Les 24 Heures du Mans, à coup sûr. Là-bas, nous avons vécu quelque chose de «ouf», malgré notre
abandon survenu à midi le dimanche à cause d’une boîte à vitesses qui a explosé. Quand j’ai pris mon
premier relais de nuit, j’en ai eu les frissons. Contrairement au Qatar ou à Bahreïn où la piste est
éclairée, là, du côté des Hunaudières, c’est la nuit noire, on ne voit rien; on roule en slicks et au
ressenti. Impressionnant.
Vous avez disputé deux championnats en parallèle cette saison: le WEC avec la McLaren 720S Evo
en catégorie LMGT3, donc celle des voitures de série, et l’ELMS en catégorie LMP2 Pro/Am au
volant d’une prototype. Compliqué de passer d’un baquet à l’autre?
Il a fallu s’y habituer, car les freins sont complètement différents d’une voiture à l’autre, le poids et le
comportement également. La McLaren pèse 1283 kilos et développe 720 chevaux, la LMP2 fait 900
kilos et n’a «que» 580 chevaux. Mais c’est bien avec cette dernière que j’ai atteint ma vitesse
maximale cette année: 315 km/h au Castellet.
Votre cohabitation avec vos quatre équipiers s’est bien passée ces derniers mois?
Oui, vraiment bien. C’est là aussi l’une des grandes satisfactions de cette saison. Cottingham, Costa,
Beche et Sales sont complètement différents les uns des autres, mais on a formé vraiment deux
bonnes équipes; cela s’est super bien passé.
Et Valentino Rossi, qui a disputé le WEC dans la même catégorie que vous à bord d’une BMW?
Génial! Il est très abordable, il discute avec tout le monde, il ne se prend pas la tête. Mais son statut
ne l’autorise pas à faire tout ce qu’il voudrait. Fin avril, à Imola, nous étions ensemble à une séance
d’autographes en ville, et il a été obligé de sortir du bâtiment par une porte dérobée afin d’éviter la
foule, immense. «Je déteste faire ça, mais je n’ai pas le choix», m’a-t-il confié, lorsque nous avons
quitté les lieux.
Vous serez toujours en endurance en 2025?
Il y a de très fortes chances, et c’est mon vœu. Là, actuellement, nous sommes en pleines tractations,
je devrais être fixé sur mon avenir à court terme d’ici à la fin du mois. Avec McLaren, j’avais signé un
contrat d’une année, jusqu’au 31 décembre 2024. A présent, j’aimerais pouvoir signer pour deux ou
trois ans, soit avec McLaren soit avec une autre écurie, car j’ai reçu d’autres offres. L’idéal, je pense,
serait de pouvoir à nouveau disputer les deux mêmes championnats que cette année, le WEC en
LMGT3 et l’ELMS en LMP2. A moyen terme, mon but reste l’Hypercar, la catégorie reine de
l’endurance (n.d.l.r.: où Sébastien Buemi a mené Toyota au titre mondial des constructeurs cette
saison).
La formule électrique?
Elle reste une option intéressante.
Allez, répondez-nous franchement: quand vous voyez Franco Colapinto et Oliver Bearman
débarquer en F1, vous ne ressentez pas comme une grosse frustration?
(il sourit) Deux pilotes que j’ai régulièrement laissé derrière moi en F3 pendant trois ou quatre ans…
Oui, il y a une certaine frustration, je l’avoue, mais c’est le monde du sport automobile. Colapinto a
toute l’Argentine derrière lui. Et Bearman est Britannique. Mais vous avez vu? Tous les deux sont
parfaitement dans le coup en F1; cela prouve tout de même que le championnat F3 que j’ai disputé
était d’un sacré niveau.
Des regrets?
Honnêtement, oui, je pense que je pourrais être à leur place aujourd’hui. Mais on ne va pas refaire
l’histoire. Avec le temps, je me suis rendu compte que la monoplace ressemblait à un panier de
crabes. Le monde de l’endurance, dans lequel j’évolue désormais, est beaucoup plus sain; il y règne
beaucoup plus de solidarité, l’esprit d’équipe y est bien présent. Je crois qu’il me correspond bien
davantage.
Source: Alexandre Lachat, Le Quotidien Jurassien du 06.11.2024